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Samuel Feret : “Une voix claire de la société civile sur la future politique agricole européenne”

Quelle Politique agricole commune après 2013 ? La question mobilise aussi les organisations de la société civile. De l’environnement à la solidarité internationale en passant par le développement rural, le Groupe PAC 2013 vise à mobiliser les associations françaises et agricoles sur l’avenir de la PAC, et proposer ainsi une vision commune de l’agriculture européenne. Interrogé par Touteleurope.fr, son coordinateur Samuel Feret nous en expose les projets.

Touteleurope.fr : Quel est l’objectif du Groupe PAC 2013 ?

Le Groupe PAC 2013 regroupe des organisations françaises d’environnement, de solidarité internationale et de développement durable, ainsi que des organisations agricoles.

Retrouvez leurs propositions sur le site “Pour une autre PAC”

Samuel Feret : Le Groupe PAC 2013 a été créé pour répondre à un besoin de la part des ONG françaises qui souhaitent s’impliquer davantage sur les questions agricoles, en particulier la Politique agricole européenne. L’objectif est notamment de les aider à mieux appréhender les enjeux de la PAC, sujet complexe et technique qui demande un minimum de préparation et d’échanges.

Il répond également à un enjeu à plus long terme : mobiliser la Politique agricole européenne pour faire face à des défis alimentaires, environnementaux, climatiques, territoriaux, dont certains sont anciens. La question est : comment mobiliser une politique sectorielle pour répondre à des défis multisectoriels ? De plus, la PAC est fortement communautarisée, c’est la première en terme de budget : elle constitue donc d’autant plus un outil structurant pour l’avenir.

La PAC n’est pas qu’une politique de distribution des aides, mais un enjeu de société : il en va de l’avenir des différents types d’agriculture et de la diversité de l’agriculture européenne. D’où l’importance de proposer un nouveau pacte pour l’agriculture européenne après 2013, dont les mots-clés sont “diversité” et “qualité” autour du tryptique “alimentation” , “nature” et “santé” .

TLE : Quelles sont ses positions ?


S.F. : Les positions du Groupe reflètent deux points de vue : celui d’une plate-forme française d’une part (la géographie a son importance), et une vision qui n’est pas strictement agricole : cette synthèse entre les questions agricoles, alimentaires, environnementales, de développement, de solidarité… est une vraie plus-value qu’on injecte dans le débat.

En ce sens, nous avons lancé nos propositions au printemps dernier :

Premièrement, l’espace européen doit répondre aux fonctions alimentaires (sécurité des approvisionnements, sécurité sanitaire des aliments, alimentation saine et accessible à tous), ce qui implique une organisation des marchés agricoles.

Deuxième volet : cette politique agricole ne doit pas être préjudiciable aux pays du Sud, comme par le passé. La PAC a été très préjudiciable aux pays en développement, mais peut aujourd’hui servir de base de travail pour que d’autres pays mutualisent leurs ressources agricoles et naturelles.

Troisième axe : la légitimité des paiements directs, et donc de l’intervention publique elle-même, est aujourd’hui en crise. Ces aides censées soutenir le revenu des agriculteurs, leurs sont versées avec assez peu de contreparties. Or ce revenu est, en France (dans une moindre mesure en Europe), en forte baisse. Cette politique a failli sur la question du revenu comme des emplois (on a perdu 25% des emplois agricoles depuis 10 ans en Europe). Enfin, les concitoyens ne voient pas véritablement les avantages qu’ils peuvent tirer d’une PAC qui soutient généreusement ses agriculteurs avec des contreparties environnementales assez limitées. Nous plaidons en faveur d’un système qui rémunère les services environnementaux fournis par les agriculteurs et encourage une agriculture durable et diversifiée.

Le quatrième axe, corollaire du précédent, concerne l’effort en matière de recherche, de développement et d’innovation sur les systèmes de production, pour faire face aux nouveaux défis (climatiques, environnementaux, biodiversité, qualité de l’eau…). Les systèmes agricoles doivent être repensés pour être plus durables et intégrer davantage d’agroécologie, ce qui implique non pas des paiements directs mais pluriannuels, pour accompagner le changement sur les exploitations.

Le cinquième volet est relatif à la politique de développement rural qui doit être au cœur de la future politique agricole européenne, et non simplement adossée. Le maintien et la création d’emplois doivent être prioritaires et notamment l’installation des futurs agriculteurs dans l’UE, puisque le défi générationnel est immense.

Enfin, le volet alimentaire, qui plus que tout concerne l’ensemble de nos concitoyens. La PAC doit encourager des initiatives qui rapprochent agriculteurs et consommateurs, en faveur d’une alimentation saine, équilibrée, de proximité, et des programmes de lutte contre les maladies liées à l’abondance alimentaire (diabètes, obésité…).

TLE : Constatez-vous une évolution positive sur ces différents axes ?


S.F. : Les sujets durs de la négociation de la politique agricole (sans parler du budget) sont les marchés agricoles, les paiements directs et le développement rural.

Sur les marchés agricoles, nous estimons qu’il ne faut pas jeter aux orties un certain nombre d’instruments qui ont fait leurs preuves sans proposer systématiquement des instruments alternatifs qui fonctionnent. De ce côté nous sommes assez inquiets : le gouvernement français parle de régulation, plaide pour une PAC forte et ambitieuse, mais force est de constater que cela reste une initiative diplomatique… On ne voit pas de nouveaux instruments proposés, et ce ne sont pas les assurances récolte ni les marchés à terme qui vont contribuer à stabiliser les prix, bien au contraire.

Références historiques :

La réforme de la PAC en 2003 introduit le principe du “découplage” : le montant des aides n’est plus lié à la quantité produite mais à d’autres critères (surface des exploitations…). Cependant, afin d’accompagner la transition vers le nouveau système, les bénéficiaires ayant touché ces aides entre 2000 et 2003 continuent d’en toucher jusqu’en 2013 au moins. Ces références historiques pourraient ainsi être remises en cause par la future PAC.
Sur les paiements directs, la position française a évolué. Pendant longtemps la France ne voulait pas entendre parler d’un quelconque changement. Il faut rappeler que la France est le 2e bénéficiaire des paiements directs, ce qui représente plusieurs milliards d’euros… et entre 70 et 100 % du revenu des agriculteurs.

Or elle a été obligée de bouger suite à 2 types de pressions : les ONG ont dénoncé le principe des aides historiques, totalement injustifiées et inéquitables, qui favorisent les plus gros et non les pratiques les plus vertueuses et créatrices d’emplois ; les pays d’Europe centrale ainsi que le nouveau Commissaire à l’Agriculture et au Développement rural Dacian Ciolos souhaitent également que l’on renonce fortement à ces références historiques. Le gouvernement français va donc être obligé de bouger sur cette question.

Enfin la question du développement rural n’évolue pas beaucoup en France, parce qu’il y a un impensé : à la différence d’autres pays européens, la France considère que l’agriculture et les exploitations agricoles sont à la base du développement rural, qu’agricole égale rural.

TLE : Comment agissez-vous en Europe ?


S.F. : Quoi qu’on en dise, la PAC reste une affaire d’Etats et d’organisations. La négociation intergouvernementale a longtemps primé et prime encore dans les débats, même si le Parlement européen a désormais son mot à dire. De fait, le sujet reste complexe pour la plupart des citoyens.

Notre objectif est de faire sortir un peu la PAC des discussions d’initiés (même s’il faut y participer) et socialiser les enjeux de sa réforme. Ceux-ci varient d’ailleurs selon les Etats membres, ce qui fait qu’il est important de confronter les arguments français à ceux des autres Etats européens. D’autant que la PAC est fortement communautarisée et qu’on est obligés d’avancer avec nos collègues.

Il est par exemple intéressant de travailler avec les Allemands, qui sont beaucoup plus sensibles au défi du changement climatique et à la question du bien-être des animaux (quasiment absente de la scène française).

La future PAC doit transcender les égoïsmes nationaux (pour beaucoup d’Etats il s’agit simplement de récupérer le maximum d’argent) et proposer une vision nouvelle, un espace européen de l’agriculture qui fasse sens autour d’un projet commun.


TLE : Quels sont vos projets ?

S.F. : 2010 est une année clé. 

La Convention Agricole et Rurale (ARC) vise à faire entendre un message fort de la société civile pour une nouvelle politique agricole et rurale européenne. L’ARC complète et renforce le débat public lancé par la Commission européenne le 12 avril, et dont les résultats seront annoncés lors d’une conférence les 19 et 20 juillet 2010.
A court terme, nous souhaitons faire entendre une voix claire de la société civile européenne lors de la conférence d’orientation des 19 et 20 juillet qu’organisera la Commission européenne sur l’avenir de la PAC. Cette coordination des sociétés civiles européennes est un enjeu majeur : beaucoup d’Etats et d’organisations sont en panne de projets pour leur agriculture.

Ensuite, nous continuerons dans le même esprit avec la convention agricole et rurale européenne, l’ARC : le travail consiste à adresser une communication commune aux institutions européennes au mois d’octobre, avant la publication de la Communication de la Commission attendue pour novembre-décembre. Une fois celle-ci sortie, nous renforcerons notre travail d’influence auprès du gouvernement français, tout en continuant à stimuler le débat d’idées auprès des institutions communautaires.

En savoir plus

Dossier spécial : Quelle PAC après 2013 ? - Touteleurope.fr

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